FYI.

This story is over 5 years old.

Drogue

Drogues : qui consomme quoi en Europe ?

Le dernier rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) permet de dresser un tableau d’ensemble des usages des consommateurs et du marché de la drogue en Europe.
Pierre Longeray
Paris, FR

Comme l'an passé, les drogues que l'on trouve en Europe continuent de présenter un haut degré de pureté, tandis que les niveaux de consommation sont en augmentation. Le dernier rapport de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) publié ce mardi permet ainsi de dresser un tableau d'ensemble des usages des consommateurs et du marché de la drogue en Europe.

Cette augmentation de la pureté des drogues s'explique notamment par la « concurrence sur le marché de la drogue » selon Andrew Cunningham, qui a participé à la réalisation de ce rapport. « Si vous prenez le cas de la MDMA par exemple, la pureté des produits augmente à nouveau pour répondre à la concurrence des nouvelles drogues de synthèse qui leur avaient pris leur part de marché, » explique à VICE News le spécialiste des nouvelles drogues de l'EMCDDA.

Publicité

Anvers, capitale de la coke ?

Un Européen de plus de 15 ans sur quatre (soit 88 millions de personnes) déclare avoir déjà consommé de la drogue au moins une fois dans sa vie. La drogue la plus consommée est le cannabis (par 84 millions d'Européens), suivie de loin par la cocaïne, la MDMA et les amphétamines qui présentent des estimations semblables (entre 16 et 12 millions de consommateurs en Europe).

Les champions de la consommation de cannabis en Europe (pour la tranche des jeunes adultes, entre 15 et 34 ans) sont les Tchèques avec près de 25 pour cent de consommateurs au cours de l'année écoulée. Suivent derrière les jeunes Français et les Italiens, où la consommation de cannabis est en hausse depuis plusieurs années. En revanche, en Allemagne, Espagne et Royaume-Uni, la consommation de marijuana diminue doucement depuis 2000.

Pour la cocaïne, le rapport indique que son usage est plus fréquent dans le Sud et l'Ouest de l'Europe qu'ailleurs. L'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni forment le trio de tête des consommateurs de cocaïne (pour la tranche de 15-34 ans). En Espagne et en Grande-Bretagne, la prévalence est à la baisse, notamment chez les 16-24 ans, alors qu'en France elle est en hausse.

Le rapport se base aussi sur l'analyse des eaux usées de plusieurs villes européennes, grâce à laquelle on apprend qu'Anvers, Amsterdam et Barcelone sont les villes où les taux résidus de cocaïne sont les plus élevés. L'EMCDDA a eu recours au même procédé pour tester les résidus de MDMA. Amsterdam se trouve largement en tête de ce deuxième classement, suivi par Anvers et Oslo.

Publicité

Eurobaromètre Flash 2014 sur les jeunes et la drogue via Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

La poussée des opiacés de synthèse

On observe aussi une nouvelle hausse de la consommation de MDMA en Europe après une récente période de baisse. Ils sont près de 2,1 millions de jeunes Européens (15-34 ans) à avoir consommé de la MDMA au cours des 12 derniers mois. La Bulgarie, la Finlande et la France affichent par exemple des tendances à la hausse, à long terme, en matière de consommation de MDMA.

L'EMCDDA s'est aussi penché sur la consommation d'amphétamines et de méthamphétamine, qui repartirait à la hausse dans la majorité des pays où les taux de consommation sont étudiés de près. Ils sont 1,3 million de jeunes Européens à avoir consommé des amphétamines au cours des 12 derniers mois.

Si la consommation d'héroïne est plus ou moins stable en Europe, l'EMCDDA s'inquiète du développement des opiacés de synthèse. De plus en plus de patients traités pour une addiction aux opiacés citent pêle-mêle la méthadone, la buprénorphine haut dosage, le fentanyl, la codéine, la morphine, le tramadol et l'oxycodone. Ces substances sont donc de plus en plus détournées de leur usage initial.

Eurobaromètre Flash 2014 sur les jeunes et la drogue via Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

Le marché de la drogue en Europe : entre 21 et 31 milliards d'euros

Le rapport permet aussi de donner une estimation de la valeur du marché de la drogue sur le Vieux continent, qui serait compris entre 21 et 31 milliards d'euros. Ce sont les produits du cannabis qui représentent la plus grosse part de cette juteuse enveloppe, avec une valeur de 9,3 milliards d'euros. Suivent ensuite l'héroïne et la cocaïne, avec les amphétamines et la MDMA qui ferment la marche.

Publicité

Pour ce qui est des saisies, la répartition suit un schéma semblable. 50 pour cent d'entre elles concernent l'herbe de cannabis et 24 pour cent pour la résine. Ensuite on retrouve le crack et la cocaïne (9 pour cent), les amphétamines, l'héroïne et la MDMA/ecstasy. On note que les plants de cannabis représentent 3 pour cent des saisies en Europe.

Deux pays — l'Espagne et le Royaume-Uni — représentent une large majorité (60 pour cent) des saisies de drogues, mais plusieurs pays, comme la France, ne transmettent pas leurs chiffres.


Les saisies de drogue en Europe pour l'année 2014 :

  • 21 683 kg d'Héroïne
  • 62 120 kg de Cocaïne
  • 8 162 kg d'Amphétamines
  • 9 756 265 comprimés de MDMA
  • 573 921 kg de résine de Cannabis
  • 139 286 kg d'herbe de Cannabis
  • 3 396 333 plants de Cannabis.

La catégorie «Amphétamines» inclut les amphétamines et les méthamphétamines. Toutes les données ont trait à l'année 2014, sauf pour les Pays-Bas (2012), la Finlande (nombre de saisies, 2013) et le Royaume-Uni (2013). Source Observatoire européen des drogues et des toxicomanies


Des marchés en perpétuelle évolution

Pour le marché du cannabis, le rapport note une diversité des produits, entre les trafics d'herbe, de résine, de plants, mais aussi d'huile de cannabis. De son côté, le marché des opiacés — tiré par l'héroïne — serait en évolution : l'héroïne est plus pure et il semblerait qu'elle soit plus disponible en Europe.

Le marché de la cocaïne est lui en voie de stabilisation. « L'augmentation de la pureté de la chaîne observée ces dernières années semble s'être désormais stabilisée », note le rapport. Le nombre de saisies de cocaïne est plus stable depuis 2010, et même en légère baisse. Sur le marché des amphétamines et de la méthamphétamine, la première variété a toujours été la plus courante, mais c'est en train de doucement changer, avec des taux de productions records de « meth » en République tchèque.

Publicité

Du côté de la MDMA/ecstasy, le marché évolue avec une hausse des produits fortement dosés et l'apparition de MDMA en poudre et « sous forme cristal ». Dans le même mouvement, la production de MDMA semble reprendre de plus belle, notamment aux Pays-Bas et en Belgique. Comme pour le cannabis, les taux de pureté des comprimés atteignent des records.

Si la pureté augmente, les prix restent relativement stables pour la plupart des drogues, ce qui est somme toute logique pour Andrew Cunningham. « Ces transactions ont lieu dans la rue. Aussi loin que je me rappelle, une dose d'héroïne coûte 10 euros. Le prix reste le même, malgré la hausse du niveau de pureté, » explique Cunningham. « S'ils passent la dose à 11 euros, et que le consommateur a un billet de 20, il va falloir faire de la monnaie et donc attirer l'attention. »

Eurobaromètre Flash 2014 sur les jeunes et la drogue via Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

Le défi posé par les nouvelles drogues

Difficile pour l'Observatoire d'oublier les nouvelles substances psychoactives, qui se multiplient de manière exponentielle, profitant du flou juridique qui les entoure. Les cannabinoïdes de synthèse (censés reproduire les effets des cannabis) sont particulièrement surveillés par l'Observatoire — ils représentent 61 pour cent des saisies en matière de nouvelles drogues, suivis de loin par les cathinones (des substituts « légaux » de la MDMA ou la cocaïne).

Chiffres des décès par surdose via Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

Ces nouvelles drogues posent un réel défi sanitaire aux autorités européennes, puisqu'elles sont responsables d'intoxications aiguës massives et de décès. Le rapport cite notamment le cas d'un cannabinoïde de synthèse à l'origine « de plus de 200 passages aux urgences en moins d'une semaine en 2015, en Pologne, dans le cadre d'une intoxication massive. »

Publicité

Le rapport alerte aussi sur la hausse récente de décès par surdose — qui reste la principale cause de décès des usagers de drogue. Par exemple, en 2014, on observe au moins 6 800 décès par surdose en Europe, une hausse sensible par rapport aux chiffres de 2013. La plupart de ces décès sont survenus en Allemagne et en Grande-Bretagne, mais aussi en Suède.


_Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray_

_Matteo Civillini a participé à la rédaction de cet article : _@m_civillini__

Suivez VICE News sur Twitter : @vicenewsFR

Likez la page de VICE News sur Facebook : VICE News FR

Image via Observatoire européen des drogues et des toxicomanies