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Le Royaume-Uni peut-il devenir le Royaume-désuni ?

En ce jour d'élections, le Royaume-Uni semble moins uni que lors des élections précédentes, et l'Écosse pourrait avoir un rôle clé.
Photo de Matt Dunham/AP

Malgré la tentative (manquée) de l'Écosse de prendre son indépendance en septembre dernier, on a du mal à se figurer que le Royaume-Uni est un ensemble composé de quatre pays, et l'on considère souvent que le Royaume-Uni est tout simplement synonyme de l'Angleterre.

Pendant cette campagne pour l'élection la plus serrée depuis des années, on a pu observer l'élan donné par le référendum écossais au mouvement pro indépendance, qui avait pourtant perdu son pari en Écosse d'environ 9 pour cent des voix. Le Parti national écossais (SNP), qui a fait campagne pour l'indépendance, pourrait recueillir trois fois plus de voix que lors de l'élection précédente, passant de six sièges détenus à l'heure actuelle en Écosse à une victoire dans 59 circonscriptions ce jeudi 7 mai.

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C'est un tournant spectaculaire pour le SNP et son leader, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, qui a brillé pendant les débats télévisés en positionnant le mouvement indépendant comme une alternative crédible aux partis traditionnels. Grâce au système électoral britannique, ce qui a été considéré pendant des années comme un parti à la marge de la vie politique pourrait devenir un acteur clé.

À lire : L'Écosse reste dans le Royaume-Uni

Pour s'assurer la majorité, un parti doit gagner la moitié des sièges à la Chambre des communes plus un, soit 326 sièges. Les sondages montrent que les Travaillistes comme les Conservateurs obtiendront environ 275 sièges, et si les sondages se vérifient dans les urnes, ils devront s'allier ou au moins se garantir du soutien d'un parti pour obtenir un mandat.

Le parti travailliste est traditionnellement le parti dominant en Écosse. Avant la poussée du SNP, on prédisait qu'il gagnerait une majorité de sièges. À présent, le SNP est parti pour prendre 41 sièges aux Travaillistes en Écosse, et Ed Miliband pourrait être contraint de gouverner avec le SNP s'il ne veut pas laisser les Conservateurs l'emporter. Le SNP ne s'alliera pas aux Conservateurs.

La perspective d'une coalition entre les Travaillistes et le SNP est devenue l'un des points centraux de cette élection. Ça a été brandi par les Conservateurs comme un épouvantail pendant leur campagne ces dernières semaines. Ils ont répété cette mise en garde : les Travaillistes deviendraient les marionnettes d'un parti qui voudrait fracturer le Royaume-Uni, et le SNP profiterait de cette opportunité pour obtenir un second référendum sur l'indépendance. Miliband a toujours écarté l'idée d'une coalition ou d'un arrangement officieux avec le SNP, mais certains parlementaires Travaillistes pensent qu'il aurait tort de ne pas saisir cette chance de devenir Premier ministre.

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Si les Conservateurs sont en mesure de former un gouvernement (soit en emportant suffisamment de sièges, soit en faisant une coalition avec d'autres partis, comme les Libéraux Démocrates), le SNP pourrait aussi y trouver son compte. Un gouvernement conservateur permettrait à l'Écosse de revendiquer qu'elle est bien plus à gauche que l'Angleterre, et pour cela, idéologiquement incompatible avec le reste du pays. Le SNP serait aussi en mesure d'accuser le Premier ministre David Cameron de tirer l'Écosse hors de l'Union européenne (UE), dans laquelle elle souhaite rester, alors que le parti Conservateur s'est engagé, s'il était reconduit, à organiser un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE.

À lire : L'Angleterre et ses promesses faites à l'Écosse

L'appétence de l'Écosse pour l'indépendance n'est pas près de disparaître. Ce n'est qu'en 1998 que les Travaillistes ont commencé à transférer des pouvoirs à l'Écosse. Lors du référendum de septembre 2014, 71 pour cent des jeunes de 16 à 17 ans ont voté pour l'indépendance, tandis que 73 pour cent des plus de 65 ans ont voté contre. Avec le temps, l'équilibre pourrait facilement tourner en faveur de ceux qui ont voté « oui ».

La montée en pression commence à se voir chez les Anglais. À l'heure actuelle, il n'y a pas de disposition qui autorise uniquement les parlementaires anglais à voter les lois qui ne concernent que l'Angleterre. L'an dernier, Cameron a utilisé le résultat du référendum écossais pour appeler les parlementaires anglais à être seuls à décider des lois anglaises, de la même façon que la décentralisation n'autorise que les parlementaires écossais à voter pour des lois écossaises.

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À travers le Royaume-Uni, la tendance est à une décentralisation plus grande. Au-delà de l'Écosse, les villes de Grande-Bretagne saisissent l'occasion de tenter d'obtenir une plus grande autonomie. Autour du globe, la croissance est de plus en plus déterminée par les villes mais beaucoup de villes de la province anglaise ont des résultats inférieurs à la moyenne nationale. Un rapport publié l'an dernier établit que de permettre aux autorités régionales de mettre en place leurs propres politiques sur des problématiques telles que l'impôt, l'immigration, le transport et le logement pourrait donner une impulsion de 90 milliards de dollars à l'économie du Royaume-Uni, soit 5 pour cent de son PIB. Les dirigeants locaux estiment qu'ils peuvent couper les dépenses inutiles dans certaines institutions comme le National Health Service en faisant en sorte qu'il ne soit plus géré par Westminster.

La décentralisation est partiellement implantée à Manchester, qui a rassemblé 9 villes voisines pour former la Grande autorité conjointe de Manchester en 2011. Cette entité a revitalisé de grandes étendues de terre, et une partie des recettes fiscales obtenues par la croissance économique reviennent directement dans les investissements d'infrastructure.

Le gouvernement actuel, une coalition de Conservateurs et de Libéraux Démocrates s'est engagé à décentraliser, et à ne pas intervenir sur le champ d'action des gouvernements locaux. Mais parallèlement, le gouvernement a coupé les budgets des gouvernements locaux pour tenter d'enrayer le déficit national — moins 40 pour cent pour certaines localités, avec une baisse d'environ 23,5 pour cent sur tout le territoire.

« Les budgets locaux semblent plus sensés, parce qu'ils permettent de dépenser de façon préventive, » dit Jonathan Carr-West de LGIU, un think tank pour les gouvernements locaux. « Je pense que les 10 prochaines années vont pousser la décentralisation assez loin. Si le Grand Manchester réussit, ce sera considéré comme un prélude par le [reste des] autorités locales. »

Si ces perspectives semblent attirantes, le référendum écossais a ravivé les inquiétudes selon lesquelles la décentralisation favoriserait la désunion. La décentralisation pourrait-elle diviser la Grande-Bretagne ?

« Je ne suis pas d'accord avec la notion d'une plus grande décentralisation qui fracturerait notre sens d'identité nationale, » dit Alex Thomson, le directeur exécutif de Localis, un think tank de décentralisation. « Nous sommes sans doute l'une des nations les plus centralisées du monde occidental. Ni l'Allemagne ni les États-Unis n'ont pas de problème avec d'identité nationale qui ne serait pas cohésive. »

Suivez Ben Bryant sur Twitter: @benbryant