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Migrants mineurs sans parents : Les Alpes-Maritimes veulent des tests osseux

168 mineurs isolés ont été interceptés par les autorités françaises pour le seul mois de juin dans la région. Sur toute l’année 2014 ils étaient 174.
Photo par Etienne Laurent/EPA

Ce lundi, Eric Ciotti, le président de droite du Conseil départemental des Alpes-Maritimes (sud-est de la France) s'est rendu à la frontière franco-italienne pour y lancer un « cri d'alerte » face à la « saturation » des centres d'accueil pour mineurs isolés étrangers. Selon le conseil départemental, 168 mineurs isolés ont été interceptés par les autorités françaises pour le seul mois de juin sur cette frontière. Sur toute l'année 2014 ils étaient 174. Les dispositifs d'accueil seraient « saturés » avec 190 mineurs pris en charge dit le président du département.

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Dans ce contexte, l'élu de l'opposition demande la généralisation des tests osseux afin de déterminer l'âge des individus. Un procédé remis en cause par les associations et certains médecins. L'enjeu de ces tests est de déterminer si les migrants illégaux peuvent ou non être expulsés. C'est possible s'ils sont reconnus majeurs par les tests osseux.

Le député a fait ces déclarations au poste frontalier de Menton, situé entre la France et l'Italie. La police aux frontières (PAF) explique interpeller en moyenne 70 migrants illégaux par jour dans cette zone. Non loin de là, la ville italienne de Vintimille avait déjà été le théâtre d'un impressionnant face-à-face entre migrants et forces de l'ordre il y a quelques semaines.

À lire : Crise des migrants à Vintimille : le ton monte entre la France et l'Italie

S'adressant au gouvernement français, le député d'opposition a demandé la généralisation des tests osseux, qui font polémique, afin de mieux déterminer l'âge des migrants interpellés. Selon lui, certains individus « usurpent le système » en se faisant passer pour des mineurs isolés étrangers (MIE).

Le statut de MIE empêche d'être placé en rétention et donne notamment droit à un hébergement, des aides, et offre de meilleures chances pour obtenir l'asile ou encore pour être scolarisé, par rapport aux adultes.

Regardez notre reportage - MIE, interdit aux plus de 18 ans

Face à cette affluence record du mois de juin, le Foyer de l'Enfance des Alpes Maritimes hébergerait actuellement 190. Un nombre qui dépasserait déjà les capacités d'accueil du département. Contacté par VICE News ce mardi, ce foyer n'a pas souhaité commenter cette information, parlant simplement de « sujet sensible ».

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La préfecture de Nice a réquisitionné un lycée de Menton, ce dimanche, afin d'y héberger une quinzaine de migrants mineurs de manière temporaire.

Pour Eric Ciotti, le recours aux tests osseux permettrait de « vérifier si la personne a plus de 21 ans » — il y a une marge d'erreur de 2 ans reconnue sur ces tests, ce qui explique que l'on ne choisit pas la barre des 18 ans, age de la majorité en France — et donc pouvoir soit la placer en rétention, soit en foyer.

De tels tests seraient réalisés par la préfecture, avec la participation de l'Agence régionale de santé.

Ce mardi en début d'après-midi, VICE News a joint par téléphone Laurent Delbos, — l'un des responsables de l'association Forum Réfugiés à Nice — qui travaille notamment avec les MIE de la région. Face aux chiffres records du mois dernier, il a indiqué « comprendre » la position d'Eric Ciotti mais rappelle que « d'autres mesures existent déjà, mais ne sont pas assez appliquées. »

« Les services d'aides sociales à l'enfance se doivent d'aider les jeunes migrants » a-t-il expliqué, mais lorsqu'un doute subsiste au sujet de leur âge « Les agents concernés posent alors des questions sur le parcours des jeunes migrants, et doivent également vérifier les papiers d'identité qui leurs sont présentés ». Laurent Delbos a indiqué que les tests osseux peuvent être réalisés, mais seulement « en dernier recours ».

Une circulaire encadrant cette prise en charge des MIE a été publiée le 31 mai 2013 par la ministre française de la Justice, Christiane Taubira.

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Laurent Delbos explique ne pas être d'accord avec certains propos d'Eric Ciotti. « Des adultes qui se font passer pour des mineurs, ce n'est pas le schéma que l'on constate ici » a-t-il expliqué, avant de dénoncer « l'usage détourné » des tests osseux qui fait polémique en France.

Cet examen médical se base sur une radiographie de la main et du poignet afin d'observer le niveau de maturation du squelette. Rapide et peu coûteuse, cette méthode est légale en France, mais largement critiquée pour son manque de fiabilité. En janvier dernier un cas avait été médiatisé, celui de Boua Traoré — un réfugié orphelin venu du Mali affirmant avoir 15 ans. Il a été expulsé de son collège à Nancy (est de la France) suite à des tests osseux qui lui donnaient l'âge de 19 ans.

En février 2015, une radiologue travaillant à l'hôpital Nord de Marseille (sud de la France) expliquait que ces tests peuvent souffrir d'une marge d'erreur « de plus ou moins deux ans », surtout lorsque les sujets ont autour de 18 ans.

À la même époque, Serge Lipski, délégué adjoint de l'association Médecins du Monde, évoquait lui la gêne des praticiens qui se retrouvent associés à la politique d'immigration. « Je ne suis pas médecin pour éliminer et donner des sanctions de ce type » expliquait-il, dénonçant au passage le « risque » associé à ces radiographies généralisées.« Irradier un enfant, ce n'est pas anodin. »

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Le 20 janvier 2015, un appel pour interdire les tests osseux en vue déterminer l'âge avait été lancé par le Réseau Education Sans Frontières (RESF). L'association y expliquait notamment avoir reçu le soutien de l'Académie française de médecine et de la Cour nationale consultative des droits de l'homme (CNDH).

Un nouveau projet de loi relatif à la protection de l'enfance est en cours d'évaluation par les parlementaires français. Il prévoit notamment « l'interdiction des tests génitaux » (déterminer l'âge au vu de l'avancée de la puberté) et « la limitation des tests osseux ».

Les tests osseux ont été supprimés dans certains pays par exemple.

L'association France Terre d'Asile, qui travaille quotidiennement auprès des jeunes migrants, estime qu'il y aurait actuellement près de 8 000 mineurs isolés étrangers en France.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c