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Crime

Quitter Budapest

VICE News est allé à la rencontre des migrants qui sont coincés à la gare de Budapest et qui espèrent trouver refuge plus à l'ouest.
Photos de Matthew Cassel

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants »

Des milliers de migrants qui cherchent à trouver refuge en Europe ont été coincés la semaine dernière en gare de Budapest. Ils essayaient désespérément de quitter la Hongrie pour rejoindre l'Autriche, l'Allemagne et d'autres pays d'Europe de l'ouest. Le gouvernement hongrois a partiellement mis fin à ce blocage en envoyant tôt ce samedi matin des dizaines de bus pour permettre aux gens de traverser la frontière austro-hongroise. Mais un millier de migrants se trouve toujours aux abords de la gare — et leur nombre risque d'augmenter avec les nouveaux arrivants.

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Après notre arrivée à la gare Keleti de Budapest ce samedi matin, nous avons rencontré un groupe de jeunes Syriens qui se pressaient pour prendre le bus gratuit qui devait leur permettre de quitter la Hongrie. Ils avaient dormi dans un hôtel pas loin, et n'ont su qu'au dernier moment que les bus arrivaient. « Maintenant, on a peur d'avoir laissé passer notre chance. On ne veut pas être arrêtés en Hongrie, on veut juste partir, » explique un des Syriens, qui a demandé à rester anonyme.

Samedi après-midi, les autorités autrichiennes ont déclaré que plus de 4 000 réfugiés — originaires de Syrie, d'Irak, d'Afghanistan et d'autres pays — ont traversé la frontière. Pourtant au même moment, à la gare de Budapest, un grand nombre de réfugiés patientait encore, assis par terre et anxieux de ne pouvoir continuer leur voyage. Quand la rumeur d'un train partant vers l'Autriche a commencé à se propager, pratiquement tous les réfugiés se sont précipités sur les quais pour monter à bord.

Les pleurs des bébés résonnaient dans le hall de la gare, alors que les hommes, en équilibre sur le marche-pied du train, essayaient de faire monter leurs familles, piochant des mains dans un océan de doigts. Tout le monde dans la gare souhaitait quitter ce pays dans lequel aucun d'eux ne voulait être. Une vingtaine de policiers hongrois était postée à côté du train et essayait futilement de maintenir l'ordre. Ils ont rapidement reculé et observé la scène chaotique qui se jouait sous leurs yeux.

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À quelques mètres de la foule, Mohamed Hamadawy attendait patiemment. Il ne voulait pas faire risquer à sa femme enceinte de prendre des coups de coude pour accéder au train. « Faites passer ce message au monde, » nous dit Hamadawy. « On a quitté notre pays à la recherche de liberté. On a rejoint l'Union européenne pour les droits de l'homme, mais où sont-ils aujourd'hui ? »

Hamadawy et sa famille ont été détenus dans un centre de détention crasseux pendant 4 jours, après avoir été arrêtés quand ils essayaient de passer en Hongrie depuis la Serbie voisine.

À lire : La Hongrie construit un mur anti-migrants le long de sa frontière avec la Serbie

« On a dit à la police qu'on ne voulait pas donner nos empreintes digitales. Ils ont alors expliqué que chaque personne qui refusait de se soumettre à la prise d'empreintes passerait un mois en prison et serait renvoyée en Serbie. On n'avait pas d'autre choix, » nous a confiés Hamadawy.

Selon la réglementation européenne, le pays par lequel un migrant rentre dans l'UE (hormis la Grèce) doit traiter sa demande d'asile. Très peu de migrants veulent rester en Hongrie. Ainsi ils craignent qu'on leur prenne leurs empreintes et qu'ils soient enregistrés ici — ce qui pourrait compliquer leur demande d'asile dans le pays qu'ils visent. L'Allemagne, la Suède, et les Pays-Bas sont les destinations les plus populaires.

Les gens ont commencé à descendre du train dans lequel tout le monde se pressait quelques instants plus tôt. Un militant pour les droits de l'homme hongrois avait expliqué à un groupe de Syriens que le train allait à Pecs — une vieille ville touristique du sud de la Hongrie.

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Les migrants n'ont pas le luxe d'être au fait de l'actualité tous les jours. Ils ne sont pas au courant des derniers développements. Ils se basent alors sur ce que leur disent d'autres voyageurs ou ce qu'ils voient sur Facebook lors des rares moments d'accès à une connexion Internet. Les rumeurs sont nombreuses.

Ce samedi, tout le monde était néanmoins au courant de ce qui s'était passé la veille quand 2 000 migrants sont partis à pied depuis la gare en direction de l'Autriche. Mais les détails de cet événement restent flous pour la plupart des migrants stationnés en gare de Keleti.

Après avoir réalisé que le train n'allait pas en Autriche, quelques centaines de migrants syriens ont décidé de faire la même chose : rallier l'Autriche à pieds. « Nous devons seulement quitter la ville en marchant, et des bus vont venir nous chercher, » a expliqué un jeune homme à un compagnon de voyage plus âgé. Des officiers de police à moto suivaient la foule. En début de cortège, une voiture de police ouvrait la route aux migrants qui marchaient vers l'Autriche. Une caméra était vissée sur le toit de la voiture de police et filmait les migrants qui marchaient.

Dans la procession, Mohamed Abdel Khader, un Syrien de 25 ans, était accompagné de ses 3 soeurs, ses deux frères et de leur mère. Ils ont tous quitté Alep il y a quelques mois.

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Mohamed a lui aussi été détenu à son arrivée en Hongrie. Il indique avoir été maltraité lors de sa détention de 6 jours. Comme beaucoup d'autres, il décrit des mauvais traitements de la police, qui obligerait tout le monde à donner ses empreintes.

« Ils nous ont fait boire l'eau des toilettes et nous ont donné des sandwichs au jambon, » dit-il. « Nous sommes musulmans, vous savez qu'on ne peut pas manger de jambon . » Il explique qu'ils ont protesté mais que la police n'a rien fait. Sa famille et lui ont alors fait la même chose : jeter le jambon et manger le pain sans rien .

De retour à la gare Keleti, des militants hongrois guident les migrants vers un nouveau train qui va vers l'ouest (donc en direction de l'Autriche). Après le départ à pieds de nombreux migrants plus tôt dans la journée, les quais sont plus faciles d'accès.

À bord, un groupe d'amis — deux Syriens et deux Palestiniens — ont expliqué s'être rencontrés pendant le voyage. Ils avaient prévu de demander l'asile aux Pays-Bas. Mais après avoir été contraints de donner leurs empreintes en Hongrie, ils se sont résignés à aller en Allemagne.

Pour Ahmad Abbas, un des Syriens, cela ne fait pas vraiment de différence. Le jeune homme célibataire de 26 ans a expliqué à VICE News qu'il voulait simplement travailler et échapper à la guerre. « Si vous voulez rester en Syrie, vous devez porter une arme : soit pour le régime, soit pour l'opposition. Je ne veux pas avoir à porter une arme. »

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Mais pour les deux Palestiniens, qui sont tous les deux mariés et veulent profiter du programme de regroupement familial de l'UE, le changement de destination finale pourrait avoir de lourdes conséquences. Puisque l'Allemagne accueille plus de réfugiés, les demandes d'asile et de regroupements familiaux peuvent prendre plus de temps qu'aux Pays-bas ou dans d'autres pays. Cette idée est largement partagée par les migrants.

« Cela signifie que cela va peut-être prendre un an avant que je revoie ma femme et mes enfants, » explique un des Palestiniens, qui a souhaité rester anonyme. « Je suis inquiet de ce qui peut leur arriver pendant ce temps-là. »

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Toutes les photos sont de Matthew Cassel. Suivez le sur Twitter : @matthewcassel