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FRANCE

L’élite de la police parisienne soumise à des tests ADN dans le cadre d’une enquête pour viol

Les juges veulent identifier une personne qui serait impliquée dans une affaire de viol présumé qui remonte à avril 2014, dans les locaux du siège de la police judiciaire parisienne, au 36 Quai des Orfèvres.
36, Quai des Orfèvres (Photo via Wikimedia Commons / Jebulon)

Une centaine de policiers du célèbre « 36 quai des orfèvres » — du nom du bâtiment qui abrite le siège de la police judiciaire à Paris — vont devoir se soumettre à partir de ce jeudi à un test ADN dans le cadre d'une enquête pour un viol présumé sur une touriste canadienne en avril 2014. Un dossier qui entache l'image du bâtiment qui héberge plusieurs brigades d'élite de la police française, déjà marquée dernièrement par plusieurs affaires.

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Le parquet de Paris a confirmé ce jeudi à VICE News que les tests, démarrés aujourd'hui, ont lieu depuis jeudi matin, ils se poursuivront sur trois jours, au sein même des bureaux de la Direction de la police judiciaire, au 36 Quai des Orfèvres, dans le centre de Paris. Les deux juges d'instruction chargés de l'enquête ont ordonné que des tests ADN soient effectués sur plus d'une centaine de policiers susceptibles d'avoir été présents le soir du viol présumé. Cela concerne trois brigades : la brigade criminelle (BC), la brigade de recherche et d'intervention (BRI) et la brigade des stupéfiants (BSP). Les juges cherchent ainsi à retrouver l'identité de l'un des agresseurs présumés.

« À ma connaissance, il n'y a pas d'équivalent » en termes d'opération d'une telle envergure dans l'histoire de la police, nous explique Jean-Marc Berlière, spécialiste de l'histoire de l'institution policière en France et chercheur au CESDIP (Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales).

Contacté par VICE News ce jeudi midi, il n'imagine pas les policiers se plier avec entrain à ces tests : « Je pense que leur réaction sera hostile. Certains trouveront cela normal bien sûr, mais ils le garderont pour eux. Dans la police, ce sont la solidarité et la loi du silence qui priment. »

Une soirée arrosée

L'affaire éclate en avril 2014. Dans la nuit du 22 au 23 avril, des policiers de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) - une unité chargée de lutter contre la criminalité organisée, aussi appelée l' « Antigang » - passent une soirée arrosée dans un bar situé en face de leurs bureaux, le fameux 36 quai des Orfèvres, ou « 36 ». Alors qu'ils ne sont plus en service, ils rencontrent dans le bar une touriste canadienne, et décident de l'emmener visiter les locaux de la PJ parisienne, popularisés par de nombreux films ou séries policières. La jeune femme affirmera par la suite avoir été violée dans le bâtiment et portera plainte. Très rapidement, le parquet de Paris ouvre une instruction judiciaire pour « viol en réunion » et « modification de l'état des lieux d'un crime ».

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Deux policiers ont déjà été mis en examen pour « viol en réunion » le 26 avril 2014. De l'ADN a été retrouvé sur les vêtements de la jeune femme de 34 ans. Rentrée au Canada depuis, elle serait suivie psychologiquement à cause de cette affaire.

Les juges cherchent aujourd'hui à vérifier si un autre fonctionnaire de police a participé au viol présumé. Ils veulent mettre un nom sur une empreinte génétique encore non identifiée découverte lors de l'examen médical de la victime, une trace de sperme.

L'un des deux policiers mis en examen a reconnu avoir eu une relation sexuelle avec la Canadienne, mais il affirme qu'elle était consentie. Un troisième policier a été placé sous statut de témoin assisté. Aucune confrontation n'a encore eu lieu entre la plaignante et les suspects.

La 27 avril dernier, Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur a suspendu les trois policiers, sur proposition du préfet de police. « Par-delà les éléments qui me seront communiqués au terme de l'enquête, les comportements que révèle cette affaire sont inacceptables, » avait déclaré le ministre. « Il s'est passé dans les locaux du 36 des choses qui n'ont pas à s'y passer. »

Selon les informations de la radio Europe 1, l'analyse des téléphones portables des policiers a mis au jour des SMS explicites envoyés ce soir-là par les suspects. « C'est une partouzeuse, dépêche ! », aurait notamment écrit l'un des deux fonctionnaires mis en examen à son collègue. Celui-ci, une fois arrivé dans les locaux de la brigade, aurait, selon les données de son téléphone, tourné une vidéo, qui a été effacée dès le lendemain.

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La brigade de recherche et d'intervention (BRI), à laquelle appartenaient les policiers mis en examen, a fêté ses 50 ans en juin 2015. Comme l'explique la préfecture de police, elle est « le seul service qui allie missions de police judiciaire (surveillance, identification, filature et collecte de preuves) et missions d'intervention en situation de crise, » telles que des prises d'otage. La force opérationnelle de la BRI compte 48 membres mais peut monter jusqu'à 280 membres en cas de situation exceptionnelle, avec l'appui d'autres unités.

Ce n'est pas la première affaire qui ébranle la PJ parisienne ces derniers mois. En août 2014, une autre affaire mettant en cause les policiers du 36 avait éclaté. Un fonctionnaire d'une autre brigade, celle des stups (BSP), est soupçonné d'avoir volé 52 kilos de cocaïne dans la nuit du 24 au 25 juillet, qui étaient entreposés dans les locaux du Quai des Orfèvres.

Dans le cadre de cette affaire, le patron de la police judiciaire en personne, Bernard Petit, a été placé en garde à vue puis mis en examen et suspendu de ses fonctions le 5 février 2015.

À lire : Si vous n'avez rien suivi de ce qu'il se passe au 36 Quai des Orfèvres

« Les policiers côtoient en permanence le crime, et cela crée des ambiguïtés », nous explique Jean-Marc Berlière, interrogé sur cette dernière affaire de drogue. Il rappelle que les enquêteurs de la PJ « paient le renseignement en fermant les yeux sur certains délits. »

« Ces deux affaires successives [celle du viol présumé et du vol de cocaïne] font désordre, car on attend des gens chargés de lutter contre le crime qu'ils soient des saints, » poursuit Berlière. « Mais la police est le reflet de la société, avec tout ce que cela implique, » explique le chercheur.

Les autorités n'ont pas fait savoir quand les résultats de ces tests ADN seront connus.

Suivez Lucie Aubourg sur Twitter : @lucieabrg