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Crime

Un baron de la drogue appelé à l'aide par les parents des 43 étudiants disparus au Mexique

Six mois après la disparition de leurs enfants, ils espèrent qu'un cartel de la drogue les aidera à trouver une réponse.
Photo d'Edgar de Jesús Espinoza

Un groupe de parents des 43 disparus a lancé un appel public au leader supposé du cartel de la drogue Los Rojos pour lui demander de rencontrer leur représentant. Les parents comptent sur lui pour les aider à trouver les jeunes hommes qui ont disparu le 26 septembre 2014.

« M. Santiago Mazari… Nous vous demandons de nous aider à comprendre ce qui est arrivé à nos enfants, parce que ce gouvernement ne nous prend pas au sérieux. Au contraire, il nous blesse par ses mensonges. Nous sommes pauvres, et ils s'asseyent sur notre dignité, » écrivent les parents dans un message présenté sur la grande route de l'État du Guerrero, où les élèves de l'école normale d'Ayotzinapa ont disparu en septembre, sans doute enlevés par les rivaux de Los Rojos, les Guerreros Unidos.

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Les parents ont dit à VICE News qu'ils voulaient dialoguer avec le cartel dans l'espoir qu'il ait des réponses pour eux. Les autorités ont déclaré l'affaire « classée » et ont rejeté les critiques quant à leur compétence ou leur légitimité pour mener l'enquête.

« Dites-nous comment vous pouvez nous aider. Nous sommes prêts à vous rencontrer si vous voulez. »

L'enquête officielle du gouvernement mexicain établit que les jeunes hommes ont été enlevés par des membres corrompus des forces de la police municipale dans la ville d'Iguala et été revendus au gang des Guerreros Unidos — une ramification du cartel des Beltrán Leyva qui a régné sur le Guerrero pendant un temps.

À lire : Étudiants disparus : une chronologie du scandale mexicain

Le ministre de la justice mexicain a déclaré que l'organisation avait perpétré cette attaque pensant qu'ils s'en prenaient à des membres de leur rival des Los Rojos — une autre branche de Beltrán Leyva — qui se seraient cachés parmi les étudiants, dans le convoi de bus, L'enjeu de la rivalité entre les deux groupes, c'est le contrôle du marché de la drogue à Iguala.

Ce Mardi matin, un groupe de 34 parents a quitté l'école normale d'Ayotzinapa pour se rendre sur la route entre la capitale du Guerrero, Chilpancingo, et la ville d'Iguala. Les parents se sont arrêtés là où le convoi de bus transportant les étudiants a été vu pour la dernière fois, avant l'attaque brutale du 26 septembre. 6 personnes sont mortes ce soir-là, et 43 étudiants sont toujours portés disparus.

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Ils ont ensuite accroché leur message, suppliant d'obtenir des informations.

En février, Los Rojos a publiquement envoyé des messages aux familles des disparus, en accrochant des bannières à travers la ville de l'État voisin du Morelos — qui, d'après le ministre de la Défense est sous contrôle — affirmant qu'ils n'avaient rien à voir avec la disparition des étudiants, tout en insinuant qu'ils avaient des informations supplémentaires.

Celui que l'on pense être le leader du gang, Santiago "El Carrete" Mazari a tenté de se dissocier de ce qui est arrivé aux étudiants de l'école normale, ou normalistas comme ils sont surnommés. Il a promis aux parents qu'il les tiendrait informés.

« Je promets, sur la mémoire de mon père, que je n'ai rien à faire avec les normalistas, » a déclaré El Carrete dans une lettre adressée aux familles des disparus, dévoilée en février.

« Je suis prêt à parler avec chacun des parents des étudiants concernés pour retirer le bandeau qu'ils ont sur les yeux, pour qu'ils connaissent la vérité, » a écrit le dirigeant. « Le gouvernement est à blâmer pour toutes les injustices commises dans les États du Guerrero et du Morelos. Je me bats pour la même chose, pour défendre mon État et soutenir ceux qui veulent en finir avec ces ordures et avec l'injustice. »

Les parents se battent depuis des mois pour que l'enquête ne tombe pas dans l'oubli. Mardi, ils ont décidé de s'adresser au groupe criminel dans l'espoir que les étudiants leur seront rendus.

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« Comme à chaque fois, on demande que le gouvernement nous rende nos fils, vivants, parce que nous savons qu'ils les ont pris et qu'ils savent où ils se trouvent, » ont déclaré les parents dans leur lettre publique. « Dites-nous, comment vous pouvez nous aider. Nous sommes prêts à vous rencontrer si vous voulez. »

À voir [photos] : Six semaines sur le campus des disparus d'Ayotzinapa

En janvier, le ministre de la justice Jesús Murillo Karam a déclaré que les étudiants avaient été tués et incinérés dans une décharge de la ville de Cocula, voisine d'Iguala. Karam a eu beau dire que l'enquête restait ouverte, c'est le dernier lien qui a été établi entre les parents des étudiants disparus et la justice.

« On a fait une affiche pour répondre à cet homme qui savait où les garçons étaient cachés, » a dit à VICE News Epifanio Álvarez, le père de l'étudiant disparu Jorge Álvarez Nava. « Il voulait nous parler, voilà pourquoi on est venus, pour mettre des affiches, et laisser un numéro de téléphone pour qu'il nous contacte s'il sait quelque chose. »

Les parents ont signé la lettre qu'ils ont agrafée sur le mur, avec un numéro de téléphone auquel ils pouvaient être joints, ainsi que des photos de leurs fils disparus.

« Si on doit donner nos vies pour eux, on le fera. On est déjà morts dedans, alors on va continuer à chercher nos enfants. S'ils disent qu'ils ont des indices, une information, alors on doit y aller, » a dit Álvarez, qui a ajouté que les parents n'avaient pas peur. « Nous savons que nous courrons un risque, mais nous devons faire ce qui est en notre pouvoir. »

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Les parents des étudiants disparus ont commencé leur campagne après avoir perdu espoir en l'enquête officielle. Six mois après que leurs fils ont disparu, ils continuent leurs efforts de recherche avec l'aide de plusieurs organisations de défense des  droits de l'homme.

« C'est très douloureux pour nous. Mon fils a une femme et deux enfants, l'un de huit ans, l'autre de trois ans, » a dit à VICE News Bernabe de la Cruz, le père de l'étudiant disparu Abrajan de la Cruz. « Le plus âgé est triste de ne pas avoir vu son père depuis six mois. »

Abel Barrera, le directeur du centre des droits de l'homme de Tlachinollan, qui fournit une représentation légale aux familles, a dit ne pas approuver l'action des parents ce mardi, qu'il a appelé « un acte de désespoir dont on n'avait pas connaissance. »

« On ne soutiendrait pas une rencontre de la sorte, » a dit Barrera à VICE News. « On ne sait pas pourquoi ils l'ont fait, et on est très perturbés par la situation. »

Suivez Melissa del Pozo sur Twitter @Melissadps.