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Tchad

Pour le président tchadien, Boko Haram va disparaître « avant la fin de l’année »

Idriss Déby a annoncé ce mardi soir que l’organisation terroriste nigériane était « décapitée ». Pourtant on assiste ces dernières semaines à une hausse des attaques meurtrières dans la région du lac Tchad.
Pierre Longeray
Paris, FR
Idriss Déby, le président du Tchad, à Londres en 2014. (Image via Wikimedia Commons)

Le président tchadien, Idriss Déby, a annoncé ce mardi soir que l'organisation terroriste nigériane Boko Haram était « décapitée » et qu'elle allait disparaître « avant la fin de l'année ». Cette déclaration du président tchadien s'est faite quelques heures après un attentat meurtrier dans le nord-est du Nigeria, dans l'État du Borno, qui a tué une cinquantaine de personnes selon les premières estimations établies par des observateurs sur place. Cette attaque à la bombe contre un marché du village de Sabon Gari n'a pas encore été revendiquée, mais porte toutes les marques du mode opératoire de Boko Haram. On assiste ces dernières semaines à une hausse des attaques meurtrières attribuées au groupe islamiste.

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47 personnes ont été tuées et 52 autres ont été blessées, annonçait ce mercredi matin, l'agence de presse Reuters, qui cite une source locale. Un membre d'un groupe d'autodéfense nigérian — organisé pour combattre Boko Haram aux côtés des forces armées — expliquait à l'AFP que la bombe avait été placée dans un sac utilisé pour disperser les herbicides, déposé au rayon téléphonie du marché.

Un nouveau chef pour Boko Haram ?

À l'occasion de la célébration du 55e anniversaire de l'indépendance du Tchad, quelques heures après cet attentat qui a touché le Nigeria voisin, le président Idriss Déby a déclaré « Il y a quelqu'un qui s'appellerait Mahamat Daoud qui aurait remplacé Abubakar Shekau. » Shekau est celui qu'on présente habituellement comme le chef du groupe Boko Haram. Il n'apparaît plus depuis ces derniers mois sur les vidéos de propagande du groupe. Idriss Déby suggère que Mahamat Daoud pourrait être le nouveau chef de l'organisation terroriste — qui a fait allégeance à l'organisation État islamique en mars dernier — adoptant le nom d' « État islamique - Wilaya d'Afrique de l'Ouest ». Mahamat Daoud est un inconnu pour nombre d'observateurs qui s'interrogent ce mercredi. Il ne semble pas faire partie de la Shura, sorte de haut-commandement de Boko Haram.

« Boko Haram n'est pas nécessairement une organisation monocéphale, » explique à VICE News, ce mercredi, William Assanvo, chercheur principal du Bureau de Dakar (Sénégal) de l'Institute for Security Studies (ISS). « Certes, Shekau n'est pas apparu depuis des semaines, mais les attentats continuent. » Si Shekau n'est plus à la tête de l'organisation, comme l'annonce Déby, cela n'aurait pas une grande influence sur les actions de Boko Haram — l'organisation n'étant pas dépendante d'un chef unique, estime l'expert.

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Une guerre contre Boko Haram

« La guerre sera courte, » a enchaîné Déby, faisant référence à la mise en place « dans les prochains jours » d'une force multinationale conjointe — composée du Nigeria, du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Bénin. Ces 5 pays — mis à part le Bénin — ont été la cible, ces derniers mois, d'attentats attribués à Boko Haram sur leurs territoires. Ils se sont alors entendus pour former une force de 8 700 hommes qui devrait permettre de mieux coordonner les efforts des diverses armées, qui combattent Boko Haram en ordre dispersé depuis le début de l'année.

À lire : Le Tchad a lancé une vaste opération contre Boko Haram dans les îles du Lac Tchad

Annoncée depuis plusieurs mois, cette force régionale met du temps à voir effectivement le jour — la date du 30 juillet avait été annoncée pour la mise en place de celle-ci, mais rien ne semble encore effectif.

Il y a une dizaine de jours, un général nigérian, Iliya Abbah, avait été nommé par le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, pour mener cette force multinationale conjointe. « Il faut désormais mettre en place l'état-major, » explique Assanvo. « Les 5 pays doivent alors s'entendre pour désigner les officiers qui le composeront. Il faut aussi organiser la logistique du déploiement des troupes, ce qui demande forcément des moyens. »

Fin juillet, le président nigérian s'était rendu au Cameroun pour renforcer les liens entre les pays de la région dans la lutte contre Boko Haram. Ce type de visite prouve, d'après Assavo, que « Des discussions politiques sont aussi nécessaires pour s'accorder sur les modalités de cette force multinationale conjointe. »

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La force multinationale devrait avant tout s'atteler à la surveillance des frontières pour empêcher des intrusions de Boko Haram dans les pays frontaliers du Nigeria. Les forces aux frontières sont aussi susceptibles de faire des incursions ponctuelles sur le territoire nigérian. Cette MNJTF (pour Multinational Joint Task Force) contre Boko Haram serait ce que l'on pourrait appeler une « réponse conventionnelle » contre Boko Haram, qui affichait une logique de conquête de territoire jusqu'à l'hiver dernier.

Pourtant, depuis plusieurs mois l'organisation terroriste semble être revenue à un mode opératoire utilisé précédemment — à savoir multiplier les attentats meurtriers. Ils n'auraient plus la capacité de contrôler des villes comme à l'été 2014 — ayant été repoussé notamment par les offensives des armées tchadiennes et nigériennes. « Ils ne peuvent plus tenir de territoires et sont obligés de pratiquer une guerre asymétrique [faire des attentats et éviter les confrontations directes avec les armées], » expliquait au journal Jeune Afrique, le ministre de l'Intérieur nigérien au début du mois de juillet.

À lire : Flambée d'attentats dans la région du lac Tchad : au moins 140 morts en une semaine

La force multinationale pourra permettre sans doute d'éviter quelques incursions d'éléments de Boko Haram dans les pays voisins — Assanvo prévenant que « l'imperméabilité des frontières ne pourra pas être assurée, » n'étant pas toutes « matérialisées » et s'étendant sur d'immenses distances. Mais pour ce qui est de contrer des attentats, il faudrait mener des missions de renseignements pour « démanteler des cellules et renforcer le contrôle dans les villes » d'après le spécialiste.

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Pour cela, un élément clé sera la reprise du nord-est du Nigeria — principalement l'État du Borno, où est installé Boko Haram et qui constitue une véritable poche de résistance. L'État du Borno est le fief de l'organisation terroriste depuis sa création en 2002 — un territoire très difficile à maîtriser étant donné son étendue de 69 000 km2.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

Idriss Déby, le président du Tchad, à Londres en 2014. (Image via Wikimedia Commons)

Regardez notre reportage — La guerre contre Boko Haram

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