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Europe

L’Union européenne abandonne la piste de la répartition par quotas des réfugiés

Cette méthode de répartition par quotas était vivement soutenue par le Premier ministre italien, Matteo Renzi. Cet abandon a provoqué la colère du chef du gouvernement italien cette nuit. Son pays a déjà accueilli plus de 50 000 migrants en 2015.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo via Flickr / Francesco Pierantoni

Dans la nuit de ce jeudi à vendredi, les chefs d'États européens, réunis à Bruxelles, ont finalement abandonné l'idée d'une répartition par quotas des quelque 40 000 demandeurs d'asile syriens et érythréens, stationnés en Italie et en Grèce. Cette décision a provoqué la colère du Premier ministre italien, Matteo Renzi.

Les dirigeants des pays de l'UE ont donc préféré répartir les réfugiés en fonction du bon vouloir de chaque pays. Chaque pays pourra théoriquement prendre la part qu'il souhaite de migrants et ne sera pas tenu de respecter les quotas proposés par la Commission européenne. Si cette piste avait été retenue, l'Allemagne aurait dû, par exemple, recevoir 22 pour cent des 40 000 demandeurs d'asile concernés.

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« Si c'est votre idée de l'Europe, gardez-la pour vous. Et s'il n'y a pas de solidarité, ne nous faites pas perdre notre temps, » aurait déclaré le Premier ministre italien, d'après des sources italiennes proches des négociations. « Nous nous débrouillerons seuls, » aurait conclu Renzi au milieu de la nuit.

« C'est une bataille entre la Commission européenne et les pays de l'UE, » explique ce vendredi, à VICE News, Antoine Pécoud, professeur de sociologie à l'université Paris XIII et spécialiste des migrations. « Pour les chefs d'États, le fait de refuser la répartition par quotas permet de montrer que l'on est d'accord avec l'idée [d'accueillir des migrants], mais aussi de montrer qui décide. »

Le texte adopté cette nuit stipule que les dirigeants de l'UE « donnent leur accord à la relocalisation sur deux ans de 40 000 personnes arrivées en Italie et en Grèce et ayant besoin d'une protection provisoire, et à la réinstallation de 20 000 réfugiés ». La part de demandeurs d'asile qui seront relocalisés passe donc de 40 000 à 60 000.

Antoine Pécoud estime que ce chiffre est « inférieur aux besoins. » L'Italie a déjà accueilli plus de 50 000 migrants cette année, et devrait atteindre la barre des 200 000 entrées à la fin de l'année 2015. Pour le spécialiste, cet ajout de 20 000 réfugiés à relocaliser ressemble à un « compromis ».

À lire : La barre des 50 000 migrants accueillis en Italie en 2015 a déjà été franchie

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Le président du Conseil européen, Donald Tusk a indiqué que les États ont jusqu'à la fin juillet pour prendre « des engagements crédibles et significatifs » afin d'établir des critères pour rendre possible cette répartition. Selon Pécoud, les pays pourraient en réalité prendre comme base les quotas, établis en mai, par la Commission pour effectuer cette répartition — « en rognant un peu les chiffres annoncés, » glisse le chercheur. Si la méthode des quotas avait été retenue, la France aurait dû recevoir 9 000 réfugiés dans les deux ans. Ce chiffre pourrait donc être revu à la baisse.

Le président de la République française, François Hollande, a comparé la méthode de répartition des migrants sur la base du volontariat, avec celle retenue pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, « Pour le climat, l'Europe a été capable de fixer un objectif et chaque pays doit apporter sa propre contribution. »

Si tout semble indiquer que cette répartition se fera sur la base du bon vouloir des pays, le Premier ministre italien, Matteo Renzi — qui poussait pour l'application des quotas — s'est néanmoins félicité sur Facebook, vendredi matin, que le terme « volontariat » n'apparaisse pas dans le texte adopté. Ce texte reste un document contraignant, obligeant les pays à accepter une part — à définir — des 60 000 demandeurs d'asile.

C'est justement sur ce point — l'aspect volontariste de l'accueil des migrants — que le ton était monté, dans la nuit de ce jeudi à vendredi, entre Matteo Renzi et les pays qui s'opposaient à la méthode des quotas (principalement des pays d'Europe centrale — la Pologne et la Hongrie en tête).

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Interrogé par l'AFP sur ce supposé coup de sang, Renzi a simplement fait savoir ce vendredi que « Si l'Europe est un lieu où nous ne parlons que de budget, ce n'est pas l'Europe à laquelle nous avons pensé lorsque nous l'avons créée en 1957 à Rome. »

Le président du Conseil italien n'était pas le seul à sortir dépité des négociations. Le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker — à l'origine du projet de quotas, mis sur la table en urgence il y a quelques semaines, alors que les drames de la traversée de la Méditerranée s'enchaînaient — a estimé que l'accueil de 60 000 migrants était un « effort modeste, » en ajoutant, « Cela prouve que l'Europe n'est pas à la hauteur des principes qu'elle déclame. »

À lire : De plus en plus de migrants privilégient la Grèce pour rentrer en Europe

Un des seuls points sur lequel les dirigeants européens ont réussi à se mettre d'accord est le contrôle des arrivants — qui devrait être plus rapide et plus strict. Des centres relèveraient systématiquement les empreintes digitales des migrants, puis détermineraient lesquels ont besoin d'une protection. Les chefs d'États européens se sont aussi accordés sur un nouveau plan opérationnel pour la mission Triton — chargée de la protection des frontières et du sauvetage des migrants à la dérive dans la Méditerranée.

À lire : Migrants : L'Europe lance sa flotte anti passeurs en Méditerranée

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Photo via Flickr / Francesco Pierantoni