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Syrie

La France prête à bombarder l’État islamique en Syrie

Jusqu’ici la France se contentait de bombarder les positions de l’organisation terroriste en Irak. Le président français a décidé d’élargir le champ d’action des frappes aériennes.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Ministère de la Défense

Le président français, François Hollande, a annoncé ce lundi que des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie seront effectués dès ce mardi — une étape préparatoire « permettant d'envisager des frappes contre Daech [l'acronyme arabe de l'organisation terroriste État islamique]. » En revanche, une intervention au sol est jugée « inconséquente et irréaliste » par le président qui tenait ce lundi sa sixième conférence de presse depuis son arrivée au pouvoir en mai 2012. Un débat est prévu la semaine prochaine à l'Assemblée nationale pour entériner cette décision de frapper des positions en Syrie.

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Les premiers vols de reconnaissance ont commencé ce mardi matin a annoncé le ministère de la Défense. « La mission du 8 septembre a duré plus de 6h30 […] les Rafale ont pu acquérir du renseignement sur le groupe terroriste Daech et renforcer la capacité d'appréciation autonome de la situation de la France, » déclare le ministère sur son site.

Chammal : Premiers vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Image via Ministère de la Défense

Jusqu'à présent, la France se contentait d'un soutien aérien aux forces armées locales en Irak, voisin de la Syrie, dans leur lutte contre l'EI dans le cadre de l'opération Chammal, lancée en septembre 2014 par l'armée française. La décision de frapper la Syrie fait figure de volte-face pour François Hollande. L'année dernière, le président français ne souhaitait pas bombarder la Syrie, afin de ne pas aider involontairement Bachar Al-Assad. Le président syrien combat lui aussi l'EI et est accusé de massacres sur son peuple depuis 2011.

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Le président français a indiqué, ce lundi, que « Rien ne doit être fait qui puisse consolider ou maintenir Bachar Al-Assad, » tout en précisant que le processus de transition syrien pouvait se lancer avant la chute d'Al-Assad — une nouveauté diplomatique pour Hollande. Jusqu'à présent, François Hollande refusait d'intervenir en Syrie tant que le président syrien serait au pouvoir.

Pour justifier ce revirement, Hollande a notamment cité la crise migratoire qui touche l'Europe. « C'est Daech qui fait fuir, par les massacres qu'il commet, des milliers de familles, » a déclaré le président. La Syrie comptait en juin 7,6 millions de déplacés et de réfugiés. Chaque jour, ce sont 42 500 Syriens qui quittent leur pays avec l'Europe en ligne de mire, fuyant autant l'EI que le régime de Bachar Al-Assad.

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Frapper l'EI en Syrie permettrait aussi de combattre la menace terroriste qui pèse sur la France. Depuis plusieurs mois le pays a été touché à diverses reprises par des attaques qui présentaient un lien avec le djihadisme — des attaques de janvier contre la rédaction de Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher à l'attentat déjoué fin août dans un Thalys. « C'est depuis la Syrie, nous en avons la preuve, que sont organisées des attaques contre plusieurs pays, et notamment le nôtre, » a déclaré le président français.

François Hollande ouvrerait-il ainsi la porte à des attaques contre des ressortissants français combattant dans les rangs de l'EI en Syrie ? Le Royaume-Uni a de son côté annoncé, ce lundi, avoir éliminé le 20 août dernier 2 citoyens britanniques en Syrie — avec un drone de la Royal Air Force (RAF) — qui auraient préparé un attentat contre la Reine d'Angleterre. Cette exécution extra-judiciaire, puisqu'effectuée sans jugement préalable, est une première pour un pays européen.

Une décision symbolique ?

« Cette stratégie des frappes aériennes ne me parait pas fondamentale, » confie à VICE News, ce mardi matin, Michel Asencio, ancien général de corps d'armée aérien et ancien conseiller du ministère de la Défense, qui se dit « pas convaincu » par la tactique choisie par le président Hollande.

Les frappes aériennes ont un intérêt quand il s'agit de toucher des « points névralgiques de l'ennemi » — comme des noeuds de communication ou des sites logistiques importants — explique Asencio. « Mais les points névralgiques de l'EI n'apparaissent plus de façon flagrante. Si l'EI a revendiqué le titre d'État, cela n'en est pas un. Il n'y a pas de centralisation du pouvoir. » Ainsi la menace est trop diluée dans la population pour que des frappes aériennes soient efficaces. « De plus, si vous frappez Rakka [la capitale de l'auto-proclamé califat de l'EI], vous allez faire 60 pour cent de dommages collatéraux, » prévient Asencio.

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Chammal : Premiers vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Image via Ministère de la Défense

En effet, après une année de frappes aériennes de la coalition contre l'EI, le bilan de celles-ci n'est pas probant. Le journal Le Figaro rappelait il y a quelques jours que les bombardements de la coalition internationale n'avaient pas réellement affaibli l'organisation terroriste. L'EI compte autant de combattants qu'il y a un an — les arrivées de nouveaux djihadistes ne faiblissant pas. Depuis mars dernier, l'EI n'a pas subi de lourde défaite et a réussi à prendre le contrôle de Ramadi, au centre de l'Irak. Dernière victoire en date pour l'EI, la prise du champ pétrolifère de Jazal, ce weekend, des mains des forces gouvernementales de Syrie

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Lancée en juin 2014, l'opération de l'armée américaine Inherent Resolve — consacrée à la lutte contre l'EI en Irak et en Syrie — comptabilise pourtant 7 000 frappes aériennes contre des positions de l'organisation. La France, depuis le début de l'opération Chammal, en compte 200 en Irak et ce nombre ne devrait pas augmenter en Syrie. Ainsi la contribution à venir des Français contre l'EI en Syrie risque d'être purement symbolique d'après nombre d'observateurs.

Survoler la Syrie devrait aussi permettre de mener des missions de « renseignement » d'après François Hollande. « Les avions utilisés en Irak et en Syrie [Mirage et Rafale] sont des avions très performants, mais ils ne peuvent rester sur place que quelques heures, » prévient Asencio. Les drones auraient été plus utiles pour le spécialiste. Ils peuvent surveiller une zone pendant près de 24 heures. Mais tous les drones de l'armée française sont actuellement déployés en Afrique (notamment au Sahel dans le cadre de l'opération Barkhane).

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« De toute manière, le plus efficace reste le renseignement au sol comme le font les Américains avec des assassinats ciblés de personnages importants de l'EI, » conclue Asencio. D'après cet expert « Fatalement, il faudra envoyer des troupes au sol, même si aujourd'hui c'est encore prématuré d'y aller. »

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

Chammal : Premiers vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Image via Ministère de la Défense