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Tchad

En pleine opération antiterroriste, une explosion fait 11 morts dans la capitale du Tchad

Deux semaines après un double attentat de Boko Haram qui avait fait 34 morts, la capitale N’Djamena est à nouveau frappée, alors que le pays entend maintenir la pression sur l’organisation terroriste.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo by Mohamed Messara/EPA

Lors d'une intervention de la police, menée ce lundi au petit matin, pour appréhender de présumés terroristes, 11 personnes sont mortes dans une explosion dans le quartier de Dinguessou, dans la capitale tchadienne, N'Djamena.

« À plusieurs égards, N'Djamena est une cible symbolique, » explique ce lundi après-midi à VICE News William Assanvo, chercheur principal du Bureau de Dakar (Sénégal) de l'Institute for Security Studies (ISS).

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Cet événement survient seulement deux semaines après un double attentat, attribué à l'organisation terroriste Boko Haram par les autorités tchadiennes, qui avait fait 34 morts, le 15 juin dernier. Cet après-midi, l'ambiance était tendue dans la capitale, comme en témoigne un journaliste sur son compte Twitter.

Mood in N'Djamena is tense. Everyone wanted to believe 15 June attacks were an anomaly. Lots of police/armed forces on the street. — Peter Tinti (@petertinti)June 29, 2015

« Tout le monde pensait que les attaques du 15 juin étaient une anomalie. Beaucoup de policiers/forces armées dans les rues. »

À lire : Double attaque kamikaze à N'Djamena

Le procureur de la République tchadienne, Alghassim Khamiss, a annoncé, ce lundi matin, que 5 personnes suspectées pour des faits de terrorisme, mais aussi 5 officiers et un informateur de la police ont péri dans l'explosion. Selon des sources sécuritaires, un des présumés terroristes aurait déclenché sa ceinture d'explosifs à l'arrivée des policiers. « Plusieurs ceintures bourrées d'explosifs » auraient été saisies par la police selon l'AFP. Des photos choquantes de corps déchiquetés circulaient, ce lundi matin, sur les réseaux sociaux tchadiens.

Roland Marchal, chercheur au CNRS et rattaché à l'institut français Sciences Po, explique ce lundi après-midi à VICE News qu'il « y avait peu d'activités de Boko Haram au Tchad jusqu'en décembre 2014. » Mais cela a changé en janvier, avec l'entrée en guerre du Tchad contre l'organisation terroriste nigériane, dont l'avancée dans l'est nigérian et au Cameroun menaçait le territoire tchadien, et plus largement la région transfrontalière du Lac Tchad.

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« Les forces tchadiennes ont permis de changer la dynamique de progression de Boko Haram, » explique Marchal, ce qui a fait du Tchad une « cible » puisque le pays est en pointe dans la lutte contre Boko Haram.

Les forces armées tchadiennes sont effectivement impliquées depuis janvier 2015 dans la lutte contre Boko Haram, qui prospère au Nigeria voisin et tente de s'étendre au sud du Niger, au nord du Cameroun et donc au Tchad. L'armée tchadienne aide, depuis désormais 6 mois, l'armée nigériane à faire face à l'organisation terroriste.

« Ce qui est nouveau avec ces attaques [celle du 15 juin et de ce lundi], c'est que la capitale N'Djamena soit touchée, » explique à VICE News, William Assanvo.

La force régionale militaire contre Boko Haram, qui doit être effective le 30 juillet, a notamment choisi N'Djamena pour installer son quartier général. Le commandement de la mission Barkhane de l'armée française — dédiée à la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel — est aussi installé dans la capitale tchadienne.

À lire : Que vont faire les deux soldats français envoyés au Cameroun pour lutter contre Boko Haram ?

Si tout semble laisser penser que les terroristes impliqués dans l'explosion de ce lundi appartiennent à Boko Haram, le chercheur de l'ISS reste prudent. « Rappelons que le Tchad est aussi présent dans le nord du Mali pour combattre des éléments terroristes, » précise Assanvo, « il pourrait donc s'agir d'éléments djihadistes de groupes présents au Mali, comme AQMI. Mais la proximité entre N'Djamena et le Nigeria pointe tout de même vers Boko Haram. »

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Ce dimanche, la veille de l'attaque, la police tchadienne a démantelé une cellule de 60 personnes soupçonnées d'être liés aux attaques du 15 juin contre l'école de police et les abords du commissariat de la capitale, qui avaient fait 34 morts et 101 blessés. Un des assaillants suspectés a été arrêté, il répondrait au nom d'Issa Oumar, alias Issa Tchoulou. Les suspects arrêtés sont des Tchadiens, des Camerounais, des Maliens et des Nigérians.

Le chercheur de l'ISS se dit « surpris » de la vitesse à laquelle une cellule avait pu être démantelée, seulement deux semaines après le double attentat de N'Djamena. Le Federal Bureau of Investigation (FBI) américain aurait apparemment participé à l'enquète. La collaboration des services tchadiens et américains pourrait expliquer la rapidité de l'investigation, selon le chercheur.

Quant à la présence de nombreux étrangers parmi les suspects interpellés ce dimanche, William Assanvo rappelle qu'il y a une « grande mixité des populations » dans la région, où de nombreux pays se côtoient. Interrogé sur l'existence potentielle de cellules dormantes de Boko Haram sur le sol tchadien, Assanvo reste prudent, mais note tout de même « que des obus et des explosifs ont été retrouvés [lors des raids de ce dimanche et de lundi], » ce qui pourrait dénoter une certaine « logistique, » pour le chercheur.

Roland Marchal rappelle que le Tchad est un pays « très policier, » ce qui compliquerait la progression de Boko Haram dans le pays, et note que « Les bases de l'organisation terroriste sont beaucoup plus fortes, par exemple au nord du Cameroun et au sud du Niger, » qu'au Tchad.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Une rue de N'Djamena, capitale du Tchad. Image via Flickr / Ismouz