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FRANCE

Un maire choisit de jeter de la boue qui pue sur des Roms pour les déloger

Dans le nord de la France, le maire d’Haubourdin, Bernard Delaby, a fait déverser des boues malodorantes devant un bidonville rom où vivent cinq familles. Une pratique brutale qui n’est pour autant pas inédite en France.
Image via capture d'écran Dailymotion La Voix du Nord / Pib

Bernard Delaby, le maire divers droite d'Haubourdin, dans le nord de la France, a envoyé ce jeudi trois remorques déverser ce qui est présenté par les médias locaux comme du lisier, ou de la terre mouillée selon la version du maire, autour d'un terrain sur lequel cinq familles roms — 12 enfants dont un bébé et 6 adultes — sont illégalement installées. Au moment où le troisième tracteur déversait cette terre boueuse et puante, une quinzaine d'associatifs sont parvenus à l'arrêter. Ce type de pression pour pousser au départ a déjà été utilisé en France pour chasser des Roms ou des gens du voyage qui ont établi leur campement sur des propriétés privées.

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Haubourdin: la municipalité déverse du lisier sur un campement de Roms — VDN Lambersart (@VDNLambersart)16 Avril 2015

Depuis le 9 avril dernier, les familles installées à Haubourdin étaient sous le coup d'une procédure d'expulsion, parce qu'elles occupaient un terrain appartenant à la communauté de commune et au Conseil général. Avec l'aide d'associations locales, les familles s'étaient déplacées, il y a huit jours sur une parcelle voisine, pour bloquer la procédure et permettre aux enfants de finir leur année à l'école, ceux-ci étant scolarisés rapporte L'Express.

Cette ruse a fait sortir l'édile de ses gonds. Bernard Delaby, le maire divers droite de cette ville de 15 000 habitants explique à La Voix du Nord, le quotidien local qui a révélé l'affaire, être à cours de « méthodes » pour déloger ces familles arrivées en mai 2014. « On se moque de moi, de mon autorité en tant que maire. On s'installe sur des terrains de façon illicite. J'en ai ras-le-bol ! » se plaint le maire, qui précise que ce n'est pas de la boue, mais des « terres humides agricoles » qui ont été déversées sur le campement du chemin de Busignies. Contactée par VICE News ce vendredi après-midi, la directrice de cabinet du maire nous a indiqué qu'« Il n'a jamais été question de déverser du lisier.» Elle a insisté sur le fait que d'après elle la boue n'avait pas d'odeur et que « C'était de la terre qui a été mouillée à cause du transport.»

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Au journaliste de La Voix du Nord, qui oppose au maire le fait que les Roms ont le soutien d'une partie des habitants de la ville et des enseignants de l'école dans laquelle ils sont scolarisés — une pétition de soutien à ces cinq familles a été signée par une centaine de personnes — le maire rétorque : « Est-ce que vous êtes là, la nuit, quand ils brûlent des câbles, quand ils font fonctionner leurs tronçonneuses ? Les enfants ne peuvent pas dormir ! Ces bénévoles qui les aident, qu'ils les prennent dans leurs jardins ! »

Les réactions se sont succédées ce vendredi, divisant la classe politique. L'association SOS Racisme a qualifié l'action du maire d'« immonde », et le parti écologiste de gauche EELV a accusé le maire, dans un communiqué, « D'alimenter une haine caractérisée et inqualifiable envers une quelconque communauté. » D'autres politiques prennent la défense du maire, comme Sébastien Huyghe le porte-parole du principal parti d'opposition français, l'UMP de Nicolas Sarkozy, qui a tweeté sa solidarité avec Bernard Delaby, « bien seul pour faire respecter le droit de propriété et la loi. »

À lire : En 2014, la France a expulsé un bidonville rom tous les trois jours.

Confrontés aux occupations illégales de terrain, des agriculteurs ont déjà utilisé un procédé semblable avec le soutien d'élus locaux ou d'organisations syndicales. En juin 2013, des agriculteurs avaient ainsi répandu du lisier pendant deux semaines sur un champ occupé par des gens du voyage à Maulette, (Yvelines), en région parisienne. Ils avaient le soutien de la FDSEA, une organisation agricole. Un an plus tard, des membres du même syndicat avaient versé du lisier devant la préfecture d'Annecy pour réclamer le départ de gens du voyage installés sur des champs. Certains maires qui n'ont pas les moyens d'expulser les Roms dans le respect de la loi, cherchent des moyens détournés pour les pousser au départ, par exemple en compliquant leurs conditions de vie, comme à Wissous, en 2013, où en plein été, le maire avait coupé l'eau des bornes incendies qui servait de point d'eau aux habitants du bidonville.

La semaine dernière, le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dénonçait les préjugés racistes de certains agents de l'État à l'encontre des Roms, et déplorait que « Plutôt qu'une ligne politique directrice ferme visant la résorption des bidonvilles par l'intégration, [ce soit] une approche répressive qui reste malheureusement privilégiée. »

À lire : Le Conseil de l'Europe épingle la France sur les droits de l'homme

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho

Image capture d'écran Dailymotion La Voix du Nord / Pib